juin 2008 à Goundi

Publié le par Sandrine et François

Travaux des champs

A Goundi, les travaux agricoles ont pris le dessus sur les maths et le français. Le matin, au lieu d’aller en classe, les élèves vont aux champs, avec les houes, les charrues et les bœufs. Si comme tous les gamins du monde, les enfants de Maïmba préfèrent aller aux champs qu’à l’école, l’ambiance n’est pas vraiment à la fête : il ne pleut pas à Goundi, alors que nous sommes déjà au mois de juin. Nous devrions déjà avoir semé et tous les champs ne sont même pas encore labourés… Les éducateurs sont très inquiets : quand va-t-il enfin pleuvoir. On guette le ciel en permanence. S’il ne pleut pas avant le 15 juin, il n’y aura rien à manger l’année prochaine. De plus, les bœufs n’ont pas assez d’herbe à brouter, ils n’ont pas assez de force pour labourer une terre trop sèche, donc trop dure. Si on ne les économise pas, ils risquent de tomber malades la semaine prochaine. Tout le monde prie pour qu’il pleuve.

 

En attendant la pluie, les enfants continuent à nettoyer les champs. Le travail est particulièrement ingrat cette année dans certains champs, ceux qui touchent l’école. Les élèves doivent débrousser à la main des champs qui n’ont pas été cultivés depuis vingt ans, il y a des souches tous les 50 cm, des racines, des épines… Bref, ce n’est pas marrant. Tout ces gamins, les plus petits surtout, nous font un peu de peine quand ils rentrent du travail.

 

Nous sommes avec eux dans les champs. Pour nous qui ne connaissons la vie agricole traditionnelle que dans les livres d’images ou par les souvenir de nos grands-parents, c’est une joie de guider les bœufs, de tenir le mancheron de la charrue, de trier la semence, d’écouter les conseils des éducateurs, d’aller se promener dans la brousse pour rejoindre les champs qui sont à quelques Kms du centre. Nous collectons une mine d’informations sur la vie des champs. Ce qui ne gâche rien, tout le monde prend soin de nous : les enfants veulent nous porter notre sac, nous apportent des nattes et des coussins. Confortablement installés sur ces nattes, de retour des champs, à l’ombre des grands arbres de Maïmba, nous leur montrons des photos de notre famille en France, de nos amis : ils sont très curieux et nous posent beaucoup de questions : « C’est vrai qu’en France on jette les vaches mortes dans les cabinets (toilettes) ? »  Leurs réflexions nous font rire : « elle est belle ta maman ! » On se prend à rêver de les emmener en voyage scolaire en France et de se promener avec eux en ville, on imagine leurs réactions. Comment ça, ce n’est pas possible de les emmener ? En attendant, nous passons des moments magiques avec eux. Et avec eux, comme avec tous les habitants de Goundi, nous attendons la pluie.

 

Pourquoi tu n’as pas mis au monde à Goundi ?

Les gens savent que nous allons bientôt rentrer en France. La question qui revient le plus, magnifiquement formulée par Pierre Cardin, un tailleur de Goundi, est : « Mais pourquoi Sandrine n’a-t-elle pas mis au monde en brousse ? » On imagine la fête qu’ils nous feraient si nous avions un petit bébé ici… Les filles de Maïmba ont imaginé toute une histoire comme quoi nous avons une petite fille à la maison, qu’elle s’appelle Véronique, que c’est Barbara qui lui donne le lait pendant que Sandrine est à Maïmba…

 

Véronique la biche-cochon

Véronique, du coup, c’est le nom qu’on a donné à notre petite antilope, une « biche-cochon » plus exactement (« dul » en sara). Prononcez « Béronique » avec l’accent tchadien. C’est un ancien élève de Mamyong qui nous l’a emmené à la maison, il l’a trouvé en brousse. Sa maman s’est enfuie. Née depuis moins d’une semaine, elle n’a aucune chance de survivre si on ne lui donne pas un peu de lait… Nous avons craqué et nous l’avons adoptée. Trois fois par jour, nous lui sa bouillie, et maintenant elle a bien grandi, elle gambade dans notre concession. Après coup, nous  avons appris qu’il est interdit d’élever des animaux sauvages au Tchad, qu’on risquerait la prison. On a donc dû déclarer notre petit faon à la sous-préfecture, au nom de l’ATCP… Les enfants de Maïmba ont aussi recueilli une toute jeune biche-cochon, ils lui ont aussi donné la bouillie, mais sans sa maman, la pauvre n’a pas survécu. Le meilleur moyen aurait été qu’on l’emmène chez nous, comme nous on proposé les enfants, on lui aurait donné du lait. Mais pouvait-on donner du lait à cet animal alors que les enfants de Maïmba n’en boivent jamais et qu’ils en auraient tant besoin ? Les gens savent que nous avons une biche à la maison, du coup, des chasseurs sont venus cette semaine pour nous proposer une bébé gazelle cette fois… Evidemment, nous avons refusé : s’ils savent qu’on achète des animaux sauvages, ils vont vider la brousse pour nous. A quand un bébé lion à la maison ?

 

Barbara

Barbara, notre amie italienne, est rentrée en Italie la semaine dernière. Elle aura eu droit à une magnifique fête de départ à Maïmba, avec un bon repas pour tout le monde, enfants, maîtres, éducateurs et leur famille, des chansons et des danses pendant tout l’après-midi. En deux mois, elle aura apporté beaucoup au centre : par les activités qu’elle  aura organisé avec Sandrine – théâtre, arts plastiques et jeux – elle aura mis une ambiance de fête à Maïmba pendant les deux mois ou elle est restée. Comme dit Alexis, le maître des CP1, « elle aura réveillé Maïmba ». Avec les moyens du bord, elle aura donné des idées aux maîtres qui n’ont aucune formation dans le domaine artistique. Elle aura surtout assuré une présence bienveillante avec les enfants, particulièrement avec les filles, qui ne sont pas prêtes de l’oublier. Pour nous, c’est une bonne copine et une prof d’italien qui quitte Goundi. Ça commence à sentir la fin de l’année scolaire !

 

Fabio

Fabio, lui, a l’air de bien s’habituer à la brousse tchadienne. Il faut dire qu’il est né en Afrique, et qu’avec ses parents médecins et ses deux frères, il a vécu au Bénin, au Maroc, au Mali, au Mozambique et en Guinée Bissau jusqu’à l’âge de 15 ans où il est rentré en Italie pour devenir médecin par la suite. Dans quelques jours, il va rejoindre en Italie sa femme Helena et ses deux petites filles de 18 et 3 mois pour les emmener à Goundi, pour une durée de un an. Ce sont les Tchadiens qui vont être contents de voir que les Blancs ont des enfants eux aussi.

 

Evariste l’âne

Roberto, Barbara et Fabio aiment faire la fête, nous aurons donc passé des moments très sympas avec eux. Le dernier en date, c’est quand nous avons « emprunté » l’âne de Kisito, un collègue de Mamyong, pour faire croire à Aurélie que nous lui offrions en cadeau pour son anniversaire. On a beaucoup rigolé ! On a appelé l’âne Evariste. Le dimanche matin, nous sommes allés reconduire Evariste à Mamyong, ça ne surprenait personne de nous voir marcher sur les pistes de brousse avec un âne.

 

Maurice

Pendant quelques jours, nous aurons eu un voisin venu d’Allemagne. Il s’agit de Maurice Daja, né à Koumaï, pas loin d’ici, il y a déjà pas mal de temps. Il a une histoire qui force le respect. Après avoir étudié à Paris, sillonné l’Afrique de l’Ouest en tant que journaliste, il est revenu au Tchad dans les années 80. Là, il a été un des fondateurs du SAVE, un centre d’information connu dans tout le Tchad. Mais il ne faisait pas bon vivre au Tchad dans les années 80 sous Hissen Habré, et il a passé une année en prison. Il aurait dû en passer quatre mais il a pu fuir vers l’Europe, à Munster où il a pu s’installer. Depuis quelques temps, il revient chaque année au Tchad, notamment pour suivre différents projets dans son village de Koumaï. On sent l’immense bonheur qu’il a de retrouver le Tchad.

 

Comme vous voyez, nous continuons à faire de nombreuses rencontres, il y aurait encore beaucoup à dire mais nous n’avons malheureusement pas le temps de tout raconter…

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C
Bonjour Sandrine et François, Je suis vos nouvelles avec intérêt. Il faut dire que je suis une ex-coopérante tchadienne (de Bitkine, dans le grand nord !). Vous aussi, vous verrez, ça vous arrivera un jour et plus vite que vous ne l'imaginez !Cela faisait longtemps que je voulais vous écrire mais voilà, on se laisse vite reprendre par la routine ! Eh oui !Vendéenne comme Béatrice et Ivan que vous connaissez et aussi comme Adèle Pacaud que vous connaissez aussi. Je vais dans deux semaines aller rencontrer les futurs coopérants tchadiens au stage de Carquefou. vous vous rappelez sans doute ce moment très attendu où on découvre pour la première fois la race un peu spéciale des anciens coopérants.Je vous souhaite bon courage pour la fin de votre coopé qui n'est pas le moment le plus facile à vivre ert particulièrement durant ces jours malheureusement très troublés (même si vous n'êtes pas sur la route des rebelles)A bientôt peut-être (en Vendée)Christelle
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L
merçi,merçi,merçi...la fin approche,et on vous sent de plus en plus de "là-bas"...c'est un signe d'une bonne intégration dans la culture et le mode de vie du coin...bravo...vous nous faites du bien...alors,vous avez compris:a quand un "petit robert"?   A bientôt...venez ré-habiter à La Roche si possible,car,rien à faire pour les parents Fontenaisiens... Continuez à bâtir la Fraternité...
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